Dans notre société, la prise en charge d'un enfant doit toujours obéir à  certaines règles. Toute personne, toute communauté qui accueille un enfant - son père, sa mère, son prof, son école, sa région, son pays - a des obligations envers lui parce qu'avant d'être un fils ou une fille, un élève, un ressortissant, il est un “sujet de droit” : une personne jouissant de droits formalisés dans une législation. 

Les textes légaux qui régissent l'éducation et la scolarisation des enfants belges sont nombreux, et organisés hiérarchiquement : il existe des textes plus importants que d'autres, et aucun texte spécifique à  une communauté (ex : le règlement intérieur d'une crèche) ne peut contrevenir aux normes de la communauté d'ordre supérieur dans laquelle elle s'inscrit (ex : la commune où siège cette crèche).

Le texte situé au sommet de cette hiérarchie est la Convention internationale des Droits de l'Enfant (CIDE), immédiatement suivi de la Constitution belge. Viennent ensuite, par ordre décroissant : le Décret Missions qui organise l'école publique depuis 1997, puis des textes propres à  divers acteurs du système scolaire : le Projet éducatif et le Projet pédagogique de chaque Pouvoir Organisateur¹ , le Projet d'établissement et le Règlement d'Ordre intérieur (ROI) spécifiques à  chaque école, et finalement l'éventuelle Charte de classe.

La portée de chacun de ces textes est limitée par le principe de “hiérarchie normative” expliqué plus haut. Concrètement, cela signifie par exemple qu'un enseignant ne peut autoriser les gestes amoureux dans “sa” classe si le Règlement d'Ordre Intérieur de l'école les interdit ; qu'une école ne peut autoriser un élève à  brosser les cours car le Décret Mission impose à  chaque élève de les fréquenter “effectivement et assidûment” ; que la Fédération Wallonie-Bruxelles ne peut autoriser les enseignants à  frapper ou à  humilier les élèves car ce serait une transgression de la CIDE que la Belgique s'est engagée à  faire respecter. D'une certaine façon, tout en revient donc toujours à  la Convention internationale des Droits de l'Enfant : c'est elle qui détermine aujourd'hui la “bonne” façon de traiter un enfant dans notre société.

L'école : un droit, un devoir.

Bien que l'obligation scolaire soit très souvent vécue comme une contrainte pesant sur les enfants comme sur les parents, il importe de comprendre qu'elle est conçue par le législateur comme un droit de l'enfant, qui prime sur les besoins particuliers des familles. Ainsi, un enfant doit bénéficier d'une scolarisation de sa 6e à  sa 18e année, que ses parents soient morts ou vivants, présents ou absents, en paix ou en conflit, séparés ou en couple, de même sexe ou de sexe différents. Soulignons cependant que la Belgique, comme la plupart des pays occidentaux, met en oeuvre les structures nécessaires à  l'accomplissement de ce droit de l'enfant. D'un point de vue strictement légal, les parents n'ont donc d'autre obligation que d'envoyer leur progéniture à  l'école tous les matins.

Convention Internationale des Droits de l'Enfant
Article 18 § 1 : “La responsabilité d'élever l'enfant et d'assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à  ses représentants légaux”.
Article 29 : Les États parties conviennent que l'éducation de l'enfant doit viser à  : favoriser l'épanouissement de la personnalité de l'enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques ; inculquer à  l'enfant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; inculquer à  l'enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne ; préparer l'enfant à  assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d'origine autochtone ; inculquer à  l'enfant le respect du milieu naturel.

 En conséquence, un parent ne pourrait décemment exiger d'une école ou d'une enseignante qu'elle adapte son encadrement et son enseignement aux problèmes familiaux des élèves - par exemple en supprimant les devoirs une semaine sur deux pour un élève hébergé à  mi-temps par un parent négligent ou en fermant les yeux sur les absences répétées d'un élève durant une phase aigà¼e de conflit familial. La mission des acteurs du système éducatif consisterait même plutôt à  rappeler à  chaque parent que ses obligations éducatives (assurer “l'hébergement, l'entretien, la santé, la surveillance, l'éducation, la formation et l'épanouissement” de ses enfants) restent inchangées pendant et après une éventuelle reconfiguration familiale.

Bien sûr, dans les faits, la plupart des parents signaleront l'existence de perturbations familiales aux enseigants, et ceux-ci en tiendront compte, accordant plus d'attention ou une indulgence plus grande aux enfants concernés. La réalité des relations quotidiennes l'emporte généralement sur une légalité stricte, et il n'y a pas lieu de s'en formaliser : comme nous allons le voir dans les pages suivantes, le souci éducatif partagé d'une famille et d'une école à  l'égard d'un enfant est en effet une condition essentielle pour que son parcours scolaire ne devienne pas une traversée de la jungle sans couteau ni boussole...

¹Le pouvoir organisateur d'un établissement d'enseignement est l'autorité, la ou les personne(s) physique(s) ou morale(s), publique(s) ou privée(s), qui en assume(nt) la responsabilité " (www.enseignement.be)


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Paru dans Filiatio #16 - 11-12/2014