Benoît Dervaux - cadreur des frères Dardenne mais aussi documentariste reconnu internationalement (Gigi, Monica... et Bianca, La devinière) s'est approché, avec la circonspection de rigueur, d'un sujet tragique : le parcours de six femmes tutsies violées par des génocidaires hutus, au Rwanda, en 1994. Privilégiant le poids des mots, le réalisateur rend légitime la parole grâce à laquelle elles évoquent leur viol, leur grossesse, leur accouchement, l'errance et cette condamnation à vivre avec un enfant en qui elles s'efforcent de ne pas retrouver les traces de la barbarie. Filles et fils qui, lorsqu'ils prennent conscience d'être les fruits de l'innommable, éprouvent vis-à -vis d'eux-mêmes une répulsion compréhensible mais vaine. C'est que la filiation, ici, s'est enracinée dans l'atrocité. Elle est un morceau d'humanité arraché au pire. Équilibré, le film ménage des moments de respiration et s'attarde sur les gestes quotidiens de ces femmes. Au champ, au village ou traversant un lac avec leurs enfants...


Cet article est paru dans le dossier Les filiations - des liens à suivre (qui nous devancent !), du Filiatio #15 / septembre - octobre 2014