Pour poser la question du rapport entre droit et famille, on doit prendre pour point de départ la transformation de la famille contemporaine. La famille hypermoderne constitue une entité fluide aux frontières incertaines, dont il est banal de rappeler quelques caractéristiques: la reconceptualisation du couple, marié/pas marié, cohabitant/ non-cohabitant, homosexuel/ hétérosexuel;

- la dissolubilité du couple et sa redéfinition comme un duo en démariage-remariage permanent;

- l'égalité de l'autorité des deux parents dans une co-parentalité de principe, proclamée juridiquement;

- les droits de l'enfant, protégés juridiquement; 

- l'égalité des enfants entre eux.

Cette multiple transformation génère ce qu'on peut appeler une "déstandardisation" de la famille. Il n'y a plus un seul modèle s'imposant à  tous, régnant de droit nonobstant les disparités de fait (comme dans la société traditionnelle). La famille est multiple dans un même espace (local ou national), elle évolue dans le temps, se compose, se décompose et se recompose.

Comment comprendre cette nouvelle réalité de la famille fluide et plurielle? Dans le discours courant, il est habituel de l'expliquer par une montée d'un individualisme "égotiste", supposé "dissoudre le lien social". Pour un sociologue, ce lieu commun est totalement insatisfaisant, pour trois raisons. D'abord, en sociologie, on doit se méfier des mono-causalités. Il y a d'autres raisons qui expliquent cette transformation de la famille, par exemple l'évolution du capitalisme, celle des institutions de la citoyenneté, et les discours moraux et juridiques. En second lieu, parce que l'individu ne doit pas être opposé à  la société. L'individu est un produit/producteur de société, il est institué par la société autant qu'instituant, et donc reproduit la société même quand il semble s'en détacher. Autrement dit, l'individualisme moderne est autant un effet qu'une cause de la transformation des rapports sociaux, comme l'avait expliqué Emile Durkheim, il y a plus d'un siècle. Mais surtout, troisièmement, la notion d' "égotisme" conduit à  penser que les idéaux culturels disparaissent, alors qu'ils se transforment. Les individus modernes ne sont pas devenus des purs stratèges sans foi ni loi, maximisant leurs intérêts égoïstes. Nous devons prendre acte non pas d'une démoralisation de la société, mais d'une reconfiguration de son économie morale.

En tout cas, il serait faux de corréler transformation de la famille et perte du lien social. D'un point de vue sociologique, nous n'observons pas de "perte du lien social" (même si certains peuvent avancer la thèse vraisemblable d'un accroissement contemporain      du sentiment subjectif de solitude des individus, ce qui est autre chose que l'affaiblissement du lien social). Dans les familles comme dans d'autres sphères de la société, les liens sociaux se transforment, mais ne disparaissent pas.

Dans la transformation sociale dont nous parlons, le droit joue un rôle très important. L'individualisme est notamment (pas exclusivement) le résultat du discours juridique. Le sujet des droits, c'est-à -dire le sujet qui a des droits, se substitue de plus en plus au pré-moderne sujet de la Loi, qui était défini par l'ordre au sein duquel il prenait une place (un statut) et dont il recevait un nom (généalogique). Comme l'ont souligné bien des théoriciens, au premier rang desquels Michel Villey et Niklas Luhmann, cette mutation du discours juridique est capitale pour comprendre les sociétés modernes. Le droit n'est certes pas l'unique facteurd'institutionnalisation des rapports sociaux, mais il est un facteur important sur lequel je vais mettre l'accent.

Le droit moderne est lui aussi caractérisé par une évolution progressive qui lui fait abandonner des vieux atours pour adopter des procédures nouvelles. Pour éclairer cette transformation, je distinguerai rapidement trois aspects-clefs de l'évolution du champ de régulation qui nous occupe. J'évoquerai d'abord l'importance croissante des principes dans le droit, par opposition aux règles. Ensuite, je dirai quelques mots sur les conditions auxquelles une personne peut, dans ce champ de régulation, devenir un sujet. Enfin, j'évoquerai, brièvement, le rôle de l'Etat.

1.     La constitutionnalisation de la famille: des règles aux principes

La distinction entre la règle et le principe, qui avait été construite et élaborée par Ronald Dworkin (1977), se trouve au centre des nouveaux dispositifs de résolution des litiges. En simplifiant, on peut appeler "règle" une disposition prescriptive qui prend la forme classique: "dans un système donné, si une situation X se présente, faites Y". La règle apparie un comportement obligatoire Y à  une situation- problème X. En ce sens, elle peut être explicitée, et s'insérer dans un système, c'est-à -dire un code. Le code peut être élaboré avec une visée de complétude, c'est-à -dire en cherchant à  prévoir toutes les situations, et de cohérence, c'est- à -dire en cherchant à  éviter les contradictions logiques. 

En revanche, le principe exprime plutôt l'exigence d'une ou plusieurs valeur(s) qui doi(ven)t être interprétée(s) en situation. Au contraire d'une règle, un principe est vague. Il ne prescrit pas un comportement déterminé dans une situation définie de façon précise. Un principe fournit plutôt une heuristique. Il est très utile lorsque nous ne disposons pas de règle précise parce que la situation est complexe, non prévue. Dworkin donne d'habitude l'exemple du principe selon lequel nul ne peut profiter du mal qu'il a fait. On peut s'emparer de ce principe pour contester une règle. Par exemple, si un criminel tue ses parents, peut-il quand même hériter? A suivre le code à  la lettre, on pourrait peut- être répondre positivement, mais le principe qui vient d'être rappelé s'y oppose. Les juristes connaissent bien ces principes juridiques: exception d'ordre public, principe du contradictoire, notion d'abus de droit etc.

Nous voyons émerger des principes très importants. Les codes de règles éclatent mais le champ familial en ébullition n'en sécrète pas moins une normativité insistante, qui s'exprime dans le registre des principes. J'en citerai trois: le principe de consentement continu des personnes à  leur situation; le principe de co- parentalité; le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. On pourrait raconter l'histoire de ces principes dans nos sociétés démocratiques. Les deux premiers sont assez récents, le troisième est plus ancien. Ces principes gagnent en importance, et deviennent même sacrés, à  mesure que s'affaiblissent les règles.

Le propre des principes est qu'ils ne fonctionnent pas de façon binaire. Ils ne s'excluent pas quand ils sont en contradiction: le raisonnement est plutôt orienté vers ce que les spécialistes de l'interprétation constitutionnelle appellent le "balancing". Alors qu'une règle s'applique directement à  un comportement (son objet), un principe s'applique indirectement à  lui, via l'interprétation d'une situation qui peut être solutionnée, dans un deuxième temps seulement par la prescription d'une règle. On pourrait dire qu'en passant de la règle au principe, le droit est "cognitivisé" (au sens de Luhmann) car il s'ouvre à  un apprentissage des situations rencontrées (plutôt que d'affirmer de manière monotone et rigide un ensemble de règles à  respecter dans tous les cas).

En conséquence, le droit se résume de moins en moins à  une liste de comportements obligatoires prévus ex ante. Il est plutôt constitué de principes heuristiques qui permettent de construire des solutions dans des situations complexes. La normativité n'a donc pas disparu comme on le croit trop vite, elle est plutôt déplacée et reformulée. Il est vrai que la prévisibilité des décisions judiciaires ne sort pas indemne de cette transformation. Si une des fonctions du droit est bien de stabiliser des attentes, et donc de permettre une certaine prévisibilité de la vie sociale, on peut dire que cette fonction s'exerce désormais difficilement.

2.         La capacitation des personnes dans la construction des litiges

Le recours aux principes plutôt qu'aux règles est intimement lié à  une procéduralisation des situations. Dans l'univers hypermoderne, la coordination et la coopération sociales reposent sur l'engagement individuel des personnes dans les processus qui les concernent. Un très grand protagonisme est attendu des sujets, encouragé par une insistante sémantique de la responsabilité individuelle. On ne soulignera jamais assez combien la société hypermoderne met au travail les individus, les déstabilisant en permanence. En ce sens, elle les valorise. On peut cependant se demander si elle donne vraiment aux individus les ressources et les capacités de la liberté qu'elle leur suppose. En ce

En ce qui concerne notre problématique, j'aimerais insister sur deux capacités importantes attendues des sujets. La première capacité réside, je crois, dans une flexibilisation des identités. Cette notion de flexibilité des rôles me semble plus intéressante que l'éternel binaire entre "tenir sa place" et "confondre les places". C'est que la pluralité normative des engagements est la clef du processus d'individualisation dans les sociétés complexes, comme l'ont noté les sociologues fonctionnalistes. Dans la mesure où les individus appartiennent à  plusieurs mondes, ils doivent faire preuve de capacités d'engagement dans des rapports sociaux très variés, autant que de capacités de désengagement. C'est pourquoi les identifications fortes à  des rôles sont devenues dysfonctionnelles; elles doivent être accompagnées d'une distance aux rôles qui permet la souplesse identificatoire nécessaire à  l'existence dans une société décentrée.

On doit certes être mère, ou père, mais... pas trop. Attaché.e, mais pas trop. Seul.e, mais pas trop. Une trop forte identification à  des rôles empêche la performance dans d'autres sphères de l'existence (comme collègue de travail, ou comme amant, ou comme ami, ou comme professeur, ou comme...).

C'est pourquoi, à  la question de la "confusion des rôles", je répondrais que la flexibilité des rôles importe autant que l'absence de confusion. Les conflits insolubles naissent le plus souvent de la rigidité d'identités non questionnables, non fluidifiables.

Ces parents, ces époux, ces enfants qui s'affirment sur la scène de la justice sont donc des sujets pluriels. Leur biographie les a jetés à  l'intersection de multiples univers. Ils appartiennent à  plusieurs familles (décomposée, recomposée), à  plusieurs cultures (arabe, francophone, flamande, turque, marocaine...), à  plusieurs religions (musulmane, catholique, laïque... ). En négociation permanente dans un espace d'internormativité (Kleinhans & Macdonald, 1997: 39), ils exemplifient le sujet de droit contemporain. Non pas membres d'une seule communauté, mais de plusieurs, ces sujets doivent sans cesse choisir entre la revendication et la non-activation de leurs droits. Ils classent donc les normes multiples qui le traversent, les hiérarchisent, les configurent et leur donnent sens. Ils sont actifs et créateurs, et non pas soumis à  un ordre juridique transcendant dont ils ne seraient que les reflets. C'est cette découverte du caractère constitutif (et non simplement constitué) du sujet de droit qui est au coeur de notre modernité. Cela appelle de la part des sujets des capacités nouvelles d'action dans la société, dans leur entourage immédiat.

La deuxième capacité est la capacité à  délibérer et à  choisir, en tout cas provisoirement, dans des situations complexes. L'identification des situations familiales, leur mise en récit, le repérage des actants principaux et secondaires d'une situation, sont des opérations cognitives qui supposent des capacités sémiotiques et discursives. Or il y a diverses mises en forme discursive possibles de situations familiales.

On s'en aperçoit quand on suit la trajectoire temporelle de la construction d'un litige. Au départ, il y a une situation trouble, de souffrance. La construction d'un litige suppose le passage du sujet affecté au sujet moral: le sujet doit s'extraire de la bouillie des sentiments pour déboucher sur l'imputation d'un tort, d'une faute. Elle suppose en deuxième lieu le passage du sujet moral au sujet de droit. L'appel au Tiers institué ne va pas de soi. Il requiert des conditions spécifiques de confiance et d'expression. Il suppose la disponibilité d'une adresse de la plainte, avec l'aide de professionnels. Cet appel doit conduire à  une traduction de la situation morale dans les termes d'un conflit juridiquement traitable.

Dans ce processus de construction discursive, il me semble important d'être attentif à  diverses étapes logiques. 

(1)  Première étape. Il y a d'abord le travail de la narration. La narration permet une subjectivation de l'évènement par inscription dans un récit personnel. Qu'est-ce qu'un récit? il s'agit d'une histoire, avec des protagonistes, des actants, qui sont en quête de quelque chose et qui sont empêchés, ou soutenus, par des forces extérieures (Greimas). La narration suppose la mise en ordre d'évènements, autour d'une intrigue (Ricoeur), où le sujet est concerné.

(2)  Deuxième étape. Que faire de cette narration? Il y a deux traitements possibles: la déconstruction et la reconstruction; ou bien, le saut vers la justification.

(2.1.) Un récit, on peut le déconstruire, en dissocier les composantes, les brancher sur d'autre associations et d'autres récits. C'est plutôt la voie que prendra la psychothérapie, individuelle ou collective, psychanalytique ou systémique. Cette déconstruction peut alors conduire à  une reconstruction, c'est-à -dire à  une redescription des actants, des rôles, de l'intrigue, voire, plus profondément, à  une révision du style d'identification/désidentification d'un sujet. C'est ce qu'on peut attendre d'un dispositif psychothérapeutique.
(2.2.) Mais la narration peut aussi être traduite en un discours de justification, montant en abstraction, tombant dans le registre de la morale et du droit. C'est la voie discursive spécifiquement mise en oeuvre par le juriste. Dans ce cas, on fait tomber l'objet du litige sous une catégorie morale (trahison, dissimulation, rupture de promesse, rapt d'enfants...), une catégorie qui peut être elle-même prise en charge par le droit. Le droit construit un système de justifications spécifiques qui s'articule à  la morale, mais n'est pas lui-même moral. Le droit constitue un registre discursif très particulier, dont la spécificité est objet de nombreuses controverses sur lesquelles je ne m'étendrai pas ici.

A travers ces opérations sémiotiques, s'opère donc un travail qui permet d'accompagner un sujet, de rectifier son rapport à  une situation, d'en réviser les contenus de signification, et de la lier à  d'autres contenus sémantiques lui ouvrant un champ d'action pragmatique.

Les psychologues, les avocats, les médiateurs, les assistants sociaux, tous ces professionnels qui s'activent dans le champ peuvent donc être vus comme des préposés à  l'équipement sémiotique des sujets. Cette capacitation des personnes passe en effet par des dispositifs de plus en plus professionnalisés: psychothérapies, médiations, procédures judiciaires. Ils supposent un usage professionnel de l'information et de la parole, une compétence sémiotique spécialisée.

On ne doit pas oublier, évidemment que d'autres ressources, non sémiotiques, sont également nécessaires: des ressources économiques, des accès aux institutions, des allocations. Là  aussi, des adjuvants sont nécessaires pour permettre aux sujets d'agir. Les fonctionnaires, les assistants sociaux, doivent pouvoir être mobilisés.

On peut bien sûr se poser des questions concernant la capacité (et donc l'incapacité) à  discourir et à  agir. Ainsi en va-t-il de la problématique des enfants, toute nouvelle: on doit en effet les traiter comme des sujets de droit à  part entière tout en reconnaissant qu'ils ne disposent pas encore des capacités leur permettant d'agir totalement librement. Nous sommes amenés à  développer une perspective gradualiste en matière de capacité des personnes, comme l'a souligné Jean-Louis Genard (2009). On voit aussi s'introduire cette question de l'incapacité dans le champ de la santé mentale (avec la question des surrogate persons) ou dans le champ de la vieillesse. Tout cela appelle bien sûr une éthique nouvelle aux "frontières" de la justice, comme dit Martha Nussbaum (2005), comme en témoignent par excellence les problématiques de la folie, de l'enfance et du handicap.

3.        L'adossement à  l'ordre juridique étatique

Il est important de relever que d'un point de vue sociologique, la légalité a gagné en importance dans le champ familial. Ainsi par exemple, la légalisation de l'autorité parentale conjointe, ou encore l'affirmation du principe de consentement réitéré en matière de relations sexuelles, même à  l'intérieur du couple marié, modifient profondément des rapports de pouvoirs jadis adossés à  des "coutumes", des manières de faire non explicites et supposées être de "common knowledge". Nous pourrions dire, en termes wébériens, que nous assistons à  une transformation du type de légitimité propre au domaine. Désormais, le référentiel des droits humains (égalité, liberté) s'est imposé dans un domaine où, jusqu'aux années 1980, il n'avait été que très marginalement présent.

Il ne concerne pas seulement les parents, mis en position de donner un consentement continu aux arrangements dont ils sont les acteurs. Les droits sont désormais également accordés aux enfants dont la "parole" doit être prise en compte dans les arrangements qui les concernent. Le champ familial est envahi par les droits des femmes, les droits des enfants, les droits des pères.

Dans les sociétés occidentales, la légitimation coutumière du gouvernement des familles s'est définitivement effondrée dans le dernier quart du XXe siècle, pour laisser la place à  des modalités de formation du lien familial qui s'appuient sur la mise en oeuvre des droits subjectifs des individus. Les normativités internes de cette sphère ont en conséquence profondément évolué, de même que les systèmes de pouvoirs (de rapports "gouvernants/ gouvernés" eut dit Weber) qui y étaient liés. On a vu surgir une normativité co-parentale qui a eu tendance à  remplacer la place centrale, jadis conférée à  la normativité conjugale (De Munck, 2015); des sensibilités nouvelles à  l'égalité des genres et des sexualités (reconnaissance de l'homosexualité, de la plurisexualité); des normes concernant le consentement et les modalités de la sexualité dans différents lieux de vie comme le couple ou le travail (viol conjugal, harcèlement sexuel).

La juridicisation de ces évolutions normatives est passée par deux voies. D'une part, un champ professionnel a émergé à  partir des années 1980, porteur de modes de résolution des litiges relativement autonomes par rapport aux tribunaux étatiques. Nous pensons ici à  l'institutionnalisation de modes de résolution des conflits par voie de médiations et de conciliations. Il ne s'agit pas, notons-le bien, de dispositifs hors-droit. Le contrat en constitue un instrument important. En outre, des formes de contraintes multiples peuvent être mises en place (solennisation des engagements, systèmes de suivi des décisions etc.). Ces procédures ont été progressivement déontologisées et réglementées, par des associations professionnelles de médiateurs ou d'avocats. Elles peuvent être complémentaires, ou subordonnées, aux procédures judiciaires. Le droit familial fait désormais la part belle à  la "soft law".

D'autre part, même si ce champ professionnel a affirmé, avec force, son autonomie, il n'a pas évacué l'Etat, bien au contraire. L'intervention étatique constitue un élément important de et dans ce champ. l'Etat a accompagné, suscité, encouragé, stabilisé, sanctionné ces transformations selon de multiples modalités qui peuvent aller de de l'offre de recours alternatif (par exemple, la possibilité de pénaliser un conflit pour harcèlement si la résolution civile négociée ne porte pas de fruits, de sorte que la médiation se réalise in the shadow of the law), à  l'assignation devant les tribunaux étatiques, en passant par toutes les modalités intermédiaires: mobilisation de la contrainte étatique pour l'exécution des décisions négociées, vérification par le juge des contenus d'accords obtenus en médiation, etc. On ne peut donc pas parler dans le champ familial de simple "retrait de l'Etat", expression beaucoup trop caricaturale pour décrire un phénomène complexe; il convient plutôt de parler de multi- régulations étatiques reconfigurées dans le champ familial et en articulation avec lui (cf. Cohen, 2004). La légalité joue désormais, dans le champ familial, un rôle de légitimation plus important que la coutume, sans que l'Etat ne soit l'unique maître d'oeuvre mais sans qu'on puisse non plus parler d'une pure et simple privatisation.

Jean De Munck Philosophe, sociologue, Professeur à  l'Université Catholique de Louvain


Article paru dans Filiatio #34 - 4-5-6/2019