À l'heure où les inégalités sociales se réaffirment, on redécouvre la mission émancipatrice de l'école - et d'aucuns s'étonnent ou s'indignent de la voir peiner à  accompagner précisément ceux qui en ont le plus besoin : les enfants dont la famille souffre, d'une façon ou d'une autre. Il faut cependant se garder de crier haro sur le baudet : l'école ne peut, et ne pourra jamais, assumer seule l'éducation “proximale” qu'un cadre familial serein peut offrir à  un enfant. En revanche, elle se révèlera un partenaire privilégié pour tout parent soucieux de donner à  son enfant les meilleures chances d'accomplissement personnel... et conscient du rôle éducatif essentiel qu'il a lui-même à  jouer dans l'épanouissement de son rejeton.

Car la réussite scolaire, on l'a vu, est un phénomène complexe, multifactoriel : cela veut dire que des rééquilibrages et des corrections sont toujours possibles quand un enfant erre un peu hors des voies prévues, pour des raisons personnelles ou familiales.

Chaque parent, chaque famille garde la possibilité d'activer les ressources qui lui sont les plus familières ou les plus accessibles pour compenser les difficultés ponctuelles ou structurelles du foyer : l'un établira un dialogue suivi avec les enseignants, l'autre se tournera vers l'école de devoirs du quartier, le troisième sollicitera les conseils du CPAS pour réfléchir à  l'orientation d'un ado, le dernier prendra le temps de visiter les librairies d'occasion pour garnir la bibliothèque de ses enfants.

Bien sûr, mobiliser ces ressources suppose d'abord de les identifier, de connaître leur existence... Peut-être y a-t-il là  une mission non pour les acteurs du monde scolaire - qui en font déjà  beaucoup - mais pour les parents dont les enfants sont à  l'école comme des poissons dans l'eau ? Initier le dialogue avec les familles pour qui les choses sont moins évidentes, offrir de beaux livres plutôt que des gadgets aux goûters d'anniversaire, proposer un coup de main pour les devoirs : voilà  des actes peu coûteux, qui pourraient faire la différence pour l'un ou l'autre, un jour.

Que dire, par ailleurs, aux parents plongés dans le conflit ou la précarité et qui en redoutent les conséquences sur l'avenir scolaire de leur enfant ? Notre dossier démontre une nouvelle fois à  quel point le rétablissement d'une “politique commune“ en matière d'éducation est souhaitable pour que l'enfant, en grandissant, se trouve lui-même, au lieu de se perdre dans la divergence des attentes, des croyances et des points de vue d'adultes désunis... Mais à  défaut, que ces parents se rassurent : ouvrir sa maison au monde, soutenir la scolarité de ses enfants et les inviter dans la grande aventure des mots et des images leur donnera malgré tout les meilleures chances de réussir sans difficulté majeure. Et ceci peut être mis en oeuvre sans grands moyens financiers : la Belgique est riche de bibliothèques publiques, l'observation de l'environnement et des relations humaines reste gratuite jusqu'à  preuve du contraire, et chacun peut, dans le temps de garde qui lui est imparti, bavarder avec ses enfants, leur raconter des histoires imaginaires, chanter et danser avec eux, les emmener en balade dans le quartier ou dans le bois tout proche, les inciter à  se poser des questions et les aider trouver des réponses...


Article paru dans notre dossier: Séparations, recompositions... Et l'école dans tout ça ?


Illustrations : Alain Maes

Article paru dans Filiatio #16 - 11-12/2020