Le dossier familial

Une des innovations importantes introduite par la loi du 30 juillet 2013, et plus précisément par l'article 150, est le dossier familial. L'objectif de ce dossier familial consiste à  regrouper dans un même dossier toutes les demandes soumises au tribunal par une même famille. En d'autres termes, le but du dossier familial est de centraliser toutes les affaires ayant eu lieu devant le tribunal de la famille afin que le juge familial puisse disposer d'un dossier complet reprenant l'historique des litiges intervenus entre les familles.

Par famille, il y a lieu d'entendre les personnes mariées, les cohabitants légaux ou les concubins, ainsi que les enfants communs. En effet, l'article 725bis du Code judiciaire dispose que " Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, les demandes soumises au tribunal de la famille entre des parties qui, soit ont au moins un enfant mineur commun, soit sont ou ont été mariées, soit sont ou ont été des cohabitants légaux sont jointes en un seul dossier appelé dossier familial ".

Par ailleurs, le dossier familial comprendra également les causes relatives à  un enfant dont la filiation n'est établie qu'à  l'égard d'un seul parent, ainsi que les causes relatives aux relations personnelles visées à  l'article 375bis du Code civil. Il est utile de souligner que le dossier familial se compose uniquement des affaires soumises au tribunal de la famille et non des affaires soumises au tribunal de la jeunesse. En effet, pour les affaires qui entrent dans le champ de la loi du 8 avril 1965 relative à  la protection de la jeunesse, ces éléments seront repris dans un dossier protectionnel établi pour chaque enfant.

Cela étant, malgré que les dossiers jeunesse et famille soient différents, il y a lieu de rappeler que, dans la majorité des cas, le sort d'un mineur qui est en danger aura des conséquences sur son hébergement, la contribution alimentaire, etc. Par conséquent, le législateur a prévu un nouvel article 872 du Code judiciaire pour régler cette problématique.

L'article 872 du Code judiciaire dispose que :" Dans les matières visées au chapitre Xbis, livre IV de la quatrième partie, le tribunal de la famille peut requérir le ministère public, lorsque l'affaire peut lui être communiquée pour avis, de recueillir des renseignements sur les objets que limitativement il précise. Les actes de cette information sont déposés au greffe, dans le dossier de la procédure. Les parties en sont averties par le greffier. ". En d'autres termes, la fonction de lien entre le protectionnel et le familial, a été confiée au parquet. La demande doit toutefois émaner du tribunal de la famille.Concrètement, un dossier familial est créé dès la première demande introduite devant le tribunal de la famille. Outre le numéro de rôle attribué à  l'affaire, il sera également attribué un numéro spécifique au dossier familial. Ce numéro sera indiqué sur tous les actes introductifs d'instance, les conclusions et les autres pièces du dossier. Ainsi, pour toutes les affaires ultérieures pour lesquelles les mêmes parties sont en causes, le dossier de cette nouvelle procédure sera joint au dossier préexistant.

Si toutefois, l'affaire est renvoyée à  un autre tribunal de la famille (au regard des compétences territoriales), le dossier familial complet devra être transféré, sans délai, au tribunal de la famille compétent.

L'article 194 de la loi du 30 juillet 2013, prévoit en outre que, à  propos des demandes relatives aux droits et devoirs qui naissent des relations familiales, le tribunal de la famille tient compte de tous les éléments utiles qui figurent dans le dossier familial. Cela étant, puisque le juge doit prendre en compte tous les éléments utiles du dossier, l'affaire devra être remise lorsqu'à  l'audience, le parquet fera état d'éléments relatifs au dossier protectionnel (jeunesse) qui n'ont pas été sollicités par le juge.

Par ailleurs, il faut souligner que le dossier familial regroupe les dossiers de procédure de sorte que ce dossier familial n'empêchera pas la restitution aux parties des dossiers qu'elles ont déposés au tribunal. Certaines difficultés peuvent toutefois exister avec la mise en place du dossier familial. En effet, le juge devra se pencher sur ce dernier afin de prendre en compte les éléments utiles qui y figurent. Ceci risque de surcharger le travail du juge étant donné que le dossier pourrait être volumineux et reprendre de nombreuses pièces inutiles à  la cause portée devant lui. Enfin, le Conseil supérieur de la Justice a rendu un avis en décembre 2010. Celui-ci regrettait que le dossier familial ne prenne pas en compte les familles recomposées.

Exemple pratique

Monsieur Louis épouse Madame Dupont en 2007 et, ensemble, ils ont trois enfants, A, B, et C.

En 2014, Monsieur Louis entame une procédure de divorce sur base de l'article 223 du Code civil et demande les résidences séparées, l'autorité parentale conjointe et l'hébergement égalitaire. Un dossier familial est créé (Louis-Dupont) qui comprend les documents relatifs à  la procédure de divorce, aux mesures durant l'instance de divorce, à  la pension alimentaire, à  de la liquidation partage, etc. Imaginons que Madame Dupont ait vécu avec un autre homme avant son mariage, Monsieur Collin. Que de cette précédente union, est né un enfant, G.Dans cette affaire, il y a alors deux deux dossiers. D'une part, le dossier Louis-Dupont et A, B, C. Et d'autre part, le dossier Dupont-Colin et G. Si des causes connexes portent sur ces dossiers familiaux distincts, la demande pourra néanmoins avoir lieu dans un seul et unique acte de procédure.

Si Madame Dupont informe Monsieur Colin qu'il est le père de A, quel sera le dossier qui traitera la question de l'action en contestation et reconnaissance de la filiation ?

Pour déterminer le dossier familial, il faut prendre en compte l'enfant et le rattacher à  une famille. Ainsi, il faut le rattacher à  la filiation établie au moment de l'introduction de la demande et non à  la filiation potentielle avec Monsieur Collin. Par conséquent, le dossier familial en question sera celui Dupont-Louis.

Imaginons à  présent que, dans le cadre du divorce de Monsieur Louis et Madame Dupont, Monsieur Louis demande l'hébergement de C et B, ainsi qu'un droit aux relations personnelles à  l'égard de A et G (qui ne sont pas ses enfants biologiques). Dans cette hypothèse, le dossier familial Louis-Dupont traitera du divorce et de l'hébergement de C et B. Tandis que le dossier Dupont-Colin traitera la question de la demande de droits aux relations personnelles pour A et G.

La chambre de règlement à  l'amiable

Le rôle de la chambre de règlement à  l'amiable est, comme son nom l'indique, un rôle de conciliation entre les parties. Elle est composée, au tribunal, d'un juge unique et, à  la cour d'appel, d'un conseiller. Le juge siégeant à  la chambre de règlement à  l'amiable ne peut siéger dans les autres chambres du tribunal de la famille et de la jeunesse s'il a eu connaissance des dossiers à  la chambre de règlement à  l'amiable. A défaut, sa décision sera nulle. En matière familiale, la demande de renvoi devant la chambre de règlement à  l'amiable peut être formée par les parties à  l'audience d'introduction, mais également par le juge lui-même, qui peut ordonner un renvoi d'office. En outre, tout au long de la procédure, les parties n'ayant pas demandé le renvoi à  l'audience d'introduction peuvent le solliciter. Les discussions et les écrits devant la chambre de règlement à  l'amiable sont confidentiels.

La procédure de règlement à  l'amiable peut prendre fin à  la demande du juge, et ce, à  tout moment. Les parties peuvent également demander de mettre fin à  la procédure. En outre, si la conciliation est un échec car aucun accord est pris entre les parties, la chambre de règlement à  l'amiable renvoie l'affaire devant la chambre de la famille compétente.



Source : Actualité du Droit Belge, Toute l'info juridique en un clic


Article paru dans Filiatio #30 - juin 2018