Principes

L'autorité parentale est régie par les articles 371 à  387ter du Code civil. L'autorité parentale consiste en un ensemble de prérogatives dont disposent les parents à  l'égard des biens et de la personne de leur enfant. L'enfant reste sous l'autorité parentale de ses parents jusqu'à  l'âge de la majorité ou de son émancipation.

Comme la plupart des matières du droit de la famille, l'autorité parentale a connu une forte évolution dans les dernières décennies. Le Code civil de 1804 ne faisait pas référence à  l'autorité parentale mais à  la puissance paternelle. De sorte que le père de famille avait à  lui seul le pouvoir de décision sur l'éducation de l'enfant mineur. Une première évolution a eu lieu avec l'adoption de la loi du 1er juillet 1974. Les modifications principales furent, d'une part, l'utilisation du concept d'autorité parentale et non plus le terme de puissance paternelle et, d'autre part, la mise en place d'une égalité entre l'homme et la femme mais uniquement lorsque ceux-ci étaient mariés. Par conséquent, lorsque les parents se séparaient, c'était celui qui obtenait la garde de l'enfant qui devenait le titulaire exclusif de l'autorité parentale. La loi du 31 mars 1987 a permis de placer sur un pied d'égalité l'autorité parentale des parents qu'ils soient ou non mariés. Enfin, la loi du 13 avril 1995 a consacré l'exercice de l'autorité parentale conjointe, et ce, indépendamment de la question de l'hébergement.

La philosophie de cette loi du 13 avril 1995 est de consacrer le principe de coparentalité et d'inviter les parents à  s'entendre dans l'intérêt de leur(s) enfant(s).

Le principe de l'exercice conjoint de l'autorité parentale est que " quel que soit le contexte de la naissance de l'enfant et quelle que soit l'évolution des relations du couple, le père et la mère d'un enfant exercent, autant l'un que l'autre, l'ensemble des attributs de l'autorité parentale, et ils ne peuvent chacun les exercer que dans la mesure où ils prennent en compte l'exercice conjoint par l'autre parent de ses prérogatives et responsabilités parentales. ". Exercée conjointement pendant l'union (mariage ou non), l'autorité parentale reste donc affaire commune aussi après séparation, nonobstant le fait que l'enfant soit éventuellement hébergé à  titre principal chez un parent. Pour déroger à  ce principe, il faut une autorité parentale exclusive ou modalisée, qui n'est accordée que dans des cas assez graves.

Les titulaires de l'autorité parentale conjointe

L'autorité parentale se fonde sur la filiation (1). En effet, c'est le père et la mère à  l'égard duquel un lien de maternité ou de paternité est établi juridiquement qui exerce une autorité parentale à  l'égard de son enfant. Même si un parent a une filiation établie à  l'égard d'un enfant avec lequel il n'a pas de parenté biologique, il ou elle exercera l'autorité parentale à  l'égard de cet enfant jusqu'au jour où la filiation sera éventuellement modifiée suite une action en contestation. Si un des deux parents de l'enfant décède, c'est le parent survivant qui détiendra seul l'autorité parentale. Lorsque les deux parents sont décédés, une tutelle sera mise en place et celle-ci exercera l'autorité parentale à  l'égard de l'enfant. Si un parent est déchu de l'autorité parentale ou les deux, une protutelle pourra être mise en place. Par ailleurs, il est utile de souligner que l'autorité parentale peut être exercée par un enfant mineur sur son enfant. En d'autres termes, les parents même mineurs exercent l'autorité parentale à  l'égard de leur(s) enfant(s). Les grands-parents n'ont pas de droit en matière d'autorité parentale à  l'égard de leur(s) petit(s)-enfant(s). Mais ils peuvent revendiquer un droit aux relations personnelles sur base de l'article 375bis du Code civil. 10

Pour déterminer les titulaires de l'autorité parentale d'un enfant adopté, il y a lieu de faire une distinction entre l'adoption simple et l'adoption plénière. En cas d'adoption simple, (celle qui maintient un lien de filiation entre l'enfant adopté et sa famille biologique) l'autorité parentale sera exercée uniquement par l'adoptant. Si celui-ci décède, les parents biologiques pourront demander au tribunal de la jeunesse de replacer l'enfant sous leur autorité parentale. A défaut, une tutelle sera mise en place. Si cette adoption simple est endofamiliale, l'autorité parentale sera exercée conjointement par les deux époux ou cohabitants. Dans le cadre d'une adoption plénière (celle qui établit la filiation entre l'enfant et son parent adoptif), les parents biologiques n'auront pas de droits sur l'enfant. Si l'adoption plénière est endofamiliale (l'enfant est adopté par le conjoint ou le cohabitant de son parent), le conjoint et le parent exerceront l'autorité parentale conjointement.

L'exercice conjoint de l'autorité parentale

L'article 373 du Code Civil énonce que " lorsqu'ils vivent ensemble, les père et mère exercent conjointement leur autorité sur la personne de l'enfant (...). À défaut d'accord, le père ou la mère peut saisir le tribunal de la jeunesse. Le tribunal peut autoriser le père ou la mère à  agir seul pour un ou plusieurs actes déterminés ". L'article 374 § 1er, quant à  lui, dispose que " lorsque les père et mère ne vivent pas ensemble, l'exercice de l'autorité parentale reste conjoint (...) À défaut d'accord sur l'organisation de l'hébergement de l 'enfant, sur les décisions importantes concernant sa santé, son éducation, sa formation, ses loisirs et sur l'orientation religieuse ou philosophique ou si cet accord lui paraît contraire à  l'intérêt de l'enfant, le juge compétent peut confier l'exercice exclusif de l'autorité parentale à  l'un des père et mère ".

Au regard de ces deux dispositions, la règle est que l'autorité parentale est exercée de manière conjointe par les parents qu'ils soient mariés ou non et qu'ils vivent ensemble ou non, et ce de plein droit. L'exercice de l'autorité parentale conjointe ne pourra être aménagé différemment (exercice de l'autorité parentale exclusif ou modalisé) que par une décision judiciaire le prévoyant explicitement. En pratique, lorsque les parents vivent ensemble, l'autorité parentale implique qu'ils doivent se concerter et décider ensemble des décisions relatives à  leur(s) enfant(s). Si un parent impose une décision à  l'autre parent sans lui avoir préalablement demandé son avis, ce dernier pourrait exercer un recours pour non-respect de ses droits parentaux. Et si les parents n'arrivent pas à  se mettre d'accord, ils pourront saisir le juge compétent afin qu'il tranche le litige.

Lorsque les parents ne vivent pas ensemble, l'autorité parentale reste conjointe, quelles que soient les modalités de l'hébergement de l'enfant. Eux aussi doivent donc s'entendre et se concerter. Toutefois, il n'est pas rare qu'un parent prenne des décisions intempestives sans l'accord de l'autre ou fasse des actes sans se concerter avec l'autre parent. Dans cette hypothèse, ce parent impatient pourra être sanctionné par le juge compétent.

L' article 374 § 1er du Co de civil énonce de manière non- exhaustive des exemples de décisions impor tantes pour lesquelles les parents doivent s'accorder : santé, éducation, formation, loisirs, orientation religieuse ou philosophique. Attention : les modalités pratiques de la vie courante ne sont pas considérées comme des décisions importantes et ne requièrent pas un accord préalable de l'autre parent. Autrement dit, le parent qui héberge son enfant peut décider unilatéralement des modalités d'organisation interne à  son ménage (notamment l'alimentation, la discipline, les heures de repas, l'hygiène corporelle, ..). Mais pour toutes les décisions ou actes pour lesquels les parents n'arrivent pas à  se mettre d'accord, le juge compétent peut être saisi afin de trancher le différend même si la demande porte sur une décision anodine ou futile.

Le recours devant le juge compétent en matière d‘autorité parentale

Lorsque les parents n'arrivent pas à  se mettre d'accord sur la décision ou l'acte à  prendre vis-à -vis de leur(s) enfant(s), l'un deux peut saisir le juge compétent. Il est opportun de distinguer les demandes d'un parent visant à  modifier l'exercice de l'autorité parentale (obtention de l'autorité parentale exclusive ou modalisée) et les demandes vis- à -vis d'un acte ou d'une décision spécifique pour lequel les parents n'arrivent pas à  se mettre d'accord. Si un parent souhaite prendre un acte ou une décision et que l'autre parent refuse de donner son approbation, le juge compétent pourrait être saisi d'une demande d'autorisation. Si un parent craint que, malgré son désaccord sur une décision ou un acte, l'autre parent viole la règle de l'autorité parentale en prenant l'initiative de la décision ou de l'acte, il peut demander une interdiction préventive de cet acte ou de cette décision. Enfin, le juge pourrait être saisi pour annuler un acte qui a été pris par un parent dans le mépris du respect des règles de l'autorité parentale.

Le juge qui statue sur la demande d'un parent visant à  autoriser, interdire ou annuler un acte, prendra sa décision en privilégiant la solution la plus adéquate au regard de l'intérêt de l'enfant. Pour ce faire, le juge peut entreprendre des modes d'investigations tels que l'audition de l'enfant, une enquête sociale, une expertise pédo-psychologique, etc. La décision du juge pourra être accompagnée de mesures coercitives telles que l'astreinte ou l'avertissement de sanctions en cas de non-respect de la décision intervenue par les parents. Lorsque la demande visait à  annuler un acte posé unilatéralement par un parent, et que cet acte n'est pas annulable (vaccination, intervention chirurgicale, etc.), le juge pourra octroyer des dommages et intérêts au parent lésé.

L'exercice conjoint de l'autorité parentale à  l'égard des tiers

En pratique, l'exercice de l'autorité parentale conjointe pourrait entraîner certaines difficultés et complexités vis-à -vis des tiers. En effet, ceux-ci devraient vérifier l'accord des parents sur les décisions prises vis-à -vis de l'enfant. C'est pour éviter cette complexité et pour protéger les tiers que le législateur est intervenu en 1995 et a prévu un tempérament à  l'autorité parentale conjointe dans les rapports sociaux afin de protéger les tiers. Le principe est que les parents doivent se mettre d'accord sur les décisions relatives à  leur(s) enfant(s), mais le tiers qui traite avec un parent sur une décision relative à  son enfant ou ses enfant(s) ne doit pas vérifier, au préalable, si l'autre parent a donné son accord. En effet, le parent intervenant seul face à  un tiers, est présumé avoir obtenu l'accord de l'autre parent, même si le couple est séparé.Les tiers sont présumés être de bonne foi sauf preuve du contraire apportée par toutes voies de droit. Le parent qui conteste la bonne foi du tiers devra apporter la preuve que ce tiers connaissait ou ne pouvait ignorer le désaccord de l'autre parent ou le contexte contentieux relatif à  cet acte - étant entendu que la preuve ne peut pas reposer sur l'unique connaissance, par le tiers, de la séparation ou du climat conflictuel entre les parents. Par conséquent, le parent qui n'est pas d'accord sur un acte (inscription scolaire, baptême, etc) a tout intérêt à  envoyer un courrier recommandé au tiers qui pourrait être consulté par l'autre parent. Le but étant que ce tiers prenne connaissance du désaccord de l'un des parents. Dans cette hypothèse, si malgré le courrier le tiers accepte la demande du parent (tout en sachant que l'autre parent n'est pas d'accord), il sera de mauvaise foi et ne sera plus protégé par les articles du Code civil.

Il existe des exclusions prévues par la loi, relatives à  la présomption de l'accord entre les parents à  l'égard du tiers. Ces exceptions prévoient que le tiers doit recueillir l'accord exprès des deux parents. Les exceptions sont : le consentement au mariage de l'enfant mineur (article 148 du Code civil), le consentement à  l'adoption de l'enfant mineur (article 348-3 du Code civil), l'émancipation de l'enfant mineur (article 477 du Code civil), le consentement à  un prélèvement d'organe sur l'enfant mineur (article 7, § 1er de la loi du 13 juin 1986).

Déchéance d'autorité parentale

Le principe de l'exercice de l'autorité parentale est qu'il soit conjoint. Cependant, il arrive que l'exercice de l'autorité parentale, pour l'intérêt de l'enfant, soit exclusif ou modalisé. Les cas dans lesquels l'exercice de l'autorité parentale n'est pas conjoint sont des exceptions. Les arguments pour pouvoir modifier l'exercice de l'autorité parentale doivent être sérieux. Au regard de la jurisprudence, les arguments énoncés par un parent pour modifier l'autorité parentale conjointe mais qui n'ont pas été acceptés par les tribunaux sont les suivants : Alcoolisme, consommation de stupéfiants, violences conjugales, emprisonnement, handicap physique, homosexualité, absence de contact avec l'enfant, différence de religion, éloignement géographique, difficultés de concertation entre parents. A contrario, certains faits ont été admis par la jurisprudence belge comme permettant à  un parent d'obtenir une autorité parentale exclusive : maltraitance grave de l'enfant, maladie mentale grave d'un parent, conflit permanent entre les parents empêchant la prise de décision, appartenance à  une secte, sanction pour non-respect de l'exercice conjoint de l'autorité parentale.


Source : Actualité du Droit Belge, Toute l'info juridique en un clic


(1) Pour tout savoir sur la filiation, voir ICI


Article paru dans Filiatio #32 - nov/déc 2018