Les effets de la filiation
L'établissement de la filiation a pour effet de créer des droits et des obligations dans le chef tant des parents que de l'enfant. Au niveau du droit civil, il s'agit par exemple de l'interdiction d'épouser un membre de sa famille, des obligations alimentaires entre ascendant et descendant, de la contribution alimentaire vis-à -vis de l'enfant, du transfert du nom patronymique, de l'autorité parentale et du droit d'hébergement de l'enfant, des droits de succession, ou encore de la responsabilité civile des parents en cas de dommage causé par leur enfant mineur.
Modes d'établissement de la filiation maternelle
La filiation maternelle peut être établie de trois façons :
1) l'établissement de plein droit par l'inscription du nom de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant (article 312 du code civil). C'est le cas plus courant dans la pratique puisque le nom de la mère est une mention qui doit obligatoirement figurer dans l'acte de naissance. Les exceptions sont donc rares, seuls sont concernés les enfants abandonnés, nés d'un accouchement clandestin ou nés sous X.
2°) l'établissement de la filiation par la reconnaissance. Si la filiation maternelle n'est pas établie de plein droit par l'inscription du nom de la mère dans l'acte de naissance, elle peut l'être par reconnaissance, autrement dit par un acte volontaire fait auprès de l'officier de l'état civil. Celui-ci requiert certains consentements (article 329bis du Code civil) : si l'enfant a moins de 12 ans, seul le consentement du père est requis. Si l'enfant est mineur de plus de 12 ans, il faut le consentement de l'enfant et de son père. Si l'enfant est majeur ou mineur émancipé, seul son consentement est nécessaire ; il dispose donc d'un véritable droit de véto et le parent n'a aucun recours contre son refus. En cas de refus du (ou des) consentement(s), un recours par citation est prévu devant le Tribunal de première instance. Lorsque la tentative de conciliation échoue, le juge vérifiera si la mère qui revendique la reconnaissance est ou non la mère biologique. Si ce n'est pas le cas, la demande sera rejetée. Si par contre, il s'agit de la mère biologique, l'article 329bis dispose que le tribunal statue en prenant en compte l'intérêt de l'enfant si celui-ci a plus d'un an au jour de l'introduction de la demande. Toutefois, un arrêt de la Cour constitutionnelle du 16 décembre 2010 déclare ce délai d'un an inconstitutionnel.
3°) l'établissement de la filiation maternelle par l'effet d'une décision judiciaire. Très rare dans la pratique, ce mode concerne les enfants abandonnés à la naissance ou les cas de disparition de la filiation maternelle par une action en contestation considérée comme fondée. En vertu de l'article 332quinquies, les titulaires de l'action sont le père légal, la femme qui revendique sa maternité et l'enfant. Le consentement est requis comme pour l'établissement de la filiation maternelle par reconnaissance. En outre, le délai pour introduire l'action est de 30 ans pour l'homme et la femme qui revendique sa filiation. Le délai est de 30 ans pour l'enfant à partir de sa majorité soit jusqu'à ses 48 ans.
Modes d'établissement de la filiation paternelle
Comme pour l'établissement de la filiation maternelle, la filiation paternelle peut être établie de trois manières :
1°) la présomption de paternité pour le mari de la mère, qui veut que tout enfant né pendant le mariage ou dans les 300 jours qui suivent la dissolution ou l'annulation du mariage a pour père le mari de sa mère. Un mécanisme législatif permet, de désactiver cette présomption de paternité pour les enfants nés : - soit 300 jours après la séparation de fait des époux, actée judiciairement (soit via un accord des époux devant le juge du divorce à l'audience d'introduction, soit par une ordonnance de référé ou encore par le dépôt d'une requête en divorce par consentement mutuel).
- soit 300 jours après l'inscription des époux à des adresses séparées.
- soit 300 jours après qu'un jugement ait, en vertu de l'article 223 du Code civil, autorisé les époux à résider séparément, et moins de 180 jours après que cette mesure ait pris fin, ou après la réunion de fait des époux.
2°) la reconnaissance de paternité. Elle est très courante, et employée par les couples non mariés ayant un enfant. Elle peut être faite avant la naissance de l'enfant, et reste possible sans limite dans le temps après sa naissance. Certains consentements sont toutefois requis : si l'enfant a moins de 12 ans, seul le consentement de sa mère est nécessaire. Si l'enfant est mineur de plus de 12 ans, son propre consentement doit s'ajouter à celui de de sa mère. Enfin, si l'enfant est majeur ou mineur émancipé, seul son consentement est nécessaire. Il a un droit de véto et le parent n'a aucun recours contre son refus. En cas de refus du (ou des) consentement(s), un recours par citation est prévu devant le Tribunal de première instance. 28
3°) l'action en recherche de paternité, sur demande de l'enfant, de la mère ou du père qui revendique la paternité. L'action requiert également les consentements prévus à l'article 332quinquies. Le délai de prescription de l'action est de 30 ans pour tous les titu- laires excepté l'enfant, pour qui le délai est suspendu pendant sa minorité. 31
Les actions en contestation de la filiation maternelle
Deux actions permettent de contester une filiation maternelle.
1°) l'action en contestation de la maternité établie de plein droit par l'inscription de la mère dans l'acte de naissance, qui suppose que l'acte de naissance mentionne le nom d'une femme qui n'est pas celle qui a accouché. Elle peut être introduite par le père, l'enfant, la mère légale et la mère biologique, dans un délai d'un an à dater de la découverte du caractère mensonger de la filiation maternelle.
2°) l'action en contestation de la maternité établie par reconnaissance, qui permet d'annuler une reconnaissance maternelle mensongère. Les seules personnes pouvant introduire cette action sont le père, l'enfant, la mère légale et la mère biologique. Ils disposent d'un délai d'un an à partir de la découverte du caractère mensonger pour intenter l'action en contestation de reconnaissance. Cependant, l'enfant bénéficie d'un délai de dix ans pour agir entre ses 12 et 22 ans, et après ses 22 ans, il dispose d'un délai d'un an pour introduire son action à partir de la découverte du caractère mensonger. Depuis la réforme, le législateur a mis en place une action dite deux en un, qui permet au parent biologique de contester la filiation et par la même occasion d'établir sa propre filiation à l'égard de l'enfant.
Les actions en contestation de la filiation paternelle
Comme pour la filiation maternelle, il existe deux types d'actions en contestation de la paternité.
1°) l'action en contestation la filiation établie de plein droit pour le mari de la mère, introduite par le mari, le père qui revendique sa filiation, l'enfant ou la mère. La mère a un an à partir de la naissance pour contester cette filiation paternelle. Le mari, quant à lui, dispose d'un délai d'un an à dater de la découverte du caractère mensonger de la filiation. L'enfant a dix ans entre ses 12 et 22 ans ou un an à partir de la découverte que le mari de sa mère n'est pas son père biologique. Enfin, l'homme qui revendique sa paternité aura un an pour intenter l'action à partir de la découverte qu'il est le père biologique de l'enfant. Ici encore, une action deux en un permet au père biologique de contester la filiation établie et de faire établir à cette occasion sa propre paternité à l'égard de l'enfant.
2°) l'action en contestation de la paternité établie par un acte de reconnaissance, qui peut être introduite par le père légal, le père biologique, la mère et l'enfant. Ceux-ci disposent d'un délai d'un an à partir de la découverte du caractère mensonger pour intenter l'action en contestation de reconnaissance. Cependant, l'enfant bénéficie d'un délai de dix ans pour agir entre ses 12 et 22 ans, et a également un an pour introduire son action à partir de la découverte du caractère mensonger. Le père biologique dispose d'une action deux en un.
Il faut souligner que ces deux actions en contestation prévues par le Code civil prévoient une fin de non-recevoir dite possession d'état, mise en place par le législateur en vue de protéger l'intérêt de l'enfant et d'éviter la perturbation dans la paix des familles. Toutefois, cette possession d'état, en tant que fin de non-recevoir absolue pour les actions en contestation de la filiation paternelle, a été considérée comme contraire à l'article 22 de la Constitution, combiné avec l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme.
Source : Actualités du Droit Belge, Toute l'info juridique en un clic.
Article paru dans Filiatio #22 - Janvier/février 2016