" ... une grammaire, réinventée à chaque phrase pour parler de mains obsédantes, de mains gamines, et d'un sexe aux lèvres cousues, d'un sexe de toute jeune fille hérissé de piquants, une bogue protégeant son fruit encore trop immature, de petites lèvres enfouies sous des fils de soie, tissés entre les poils pubiens par des chenilles apprivoisées. " Dans la toile serrée de moeurs provinciales, le sang d'un viol court en guise de fil rouge. Mais là rien ne transpire. La bouche est cousue à l'habit et l'habit ligature. Et si de cette implacable trame qui, malgré tout s'effiloche, chutent de-ci de-là des débris de haine ou de cris, sourde et inaudible, la pression sociale impose son rapiéçage partout où le maillage se distend. Pour qu'en définitive, bien que sans relâche du récit saignent des mots, la vie se dénonce plutôt que de dénoncer l'outrage. Ici, l'écriture, c'est du temps amassé roulé en boule dans un coin de tête, comme au fond d'un nid, que les narratrices successives tripotent. L'atrocité y est placidement égrenée tel un irréfutable lot journalier : subir, ourdir, mourir et, dans les intervalles, enfanter !
David Besschops
Article paru dans Filiatio n°12 - janvier / février 2014, abonnez-vous ou téléchargez gratuitement ce numéro.