" Il n'y a pas LA solution. Il faut comprendre ce que vivent les gens : les parents et l'enfant. A l'époque où j'étais juge, je donnais sans doute la garde égalitaire plus souvent que les autres. Je crois que j'étais un précurseur. Pourtant, je ne suis pas partisan à  tout prix de la garde égalitaire, car je crois qu'elle est très complexe à  mettre en oeuvre lorsque le conflit entre les parents est si grave que les enfants, chaque semaine, entendent dire des horreurs sur l'autre parent. Je crois qu'il faut chercher ce qui est le plus apaisant pour l'enfant, et cela dépend évidemment aussi de l'apaisement des parents. Mais je suis favorable à  la loi de 2006, qui est en phase avec la société. De plus je pense qu'il faut des limites : les deux parents doivent pouvoir construire une relation vraie avec leur enfant. Je pourrais être favorable à  une sorte de filet de sécurité autour d'un système 5/9 : cela peut être une voie vers une relation épanouie avec chacun de ses parents. Je donnerais ma caution à  une loi visant à  favoriser le 5/9 après avoir examiné l'hébergement égalitaire, pour autant que l'enfant n'ait pas à  en souffrir. Il faut toujours pouvoir sortir de la règle générale ! Et, évidemment, si les parents fonctionnent bien avec un week-end sur deux pour l'un des deux parents, il ne faut pas les forcer. Mais pour certains parents, les critères d'un 5/9 peuvent permettre plus de souplesse qu'un hébergement strictement égalitaire.

Je pense qu'il faut faire des tentatives positives, et mettre en oeuvre directement le 5/9 ou l'hébergement égalitaire, plutôt que de commencer par un week-end sur deux. Si cela ne marche pas, il faut aider les parents à  trouver des solutions. Pour l'enfant, il n'y a pas de bonheur s'il ne peut pas aimer à  fond ses deux parents. Les enfants doivent tisser des liens avec leurs parents, et je crois qu'aller au parc Walibi un week-end sur deux ne suffit pas pour entretenir et renforcer la relation avec le parent qui n'a pas la garde principale. Je pense par ailleurs que la formation des juges n'est pas suffisante : de mon temps - et je ne crois pas que cela ait fort changé ! - il fallait être soutenu par tel ou tel parti politique pour être nommé. Moi, on m'a choisi parce que j'étais bilingue, et que j'avais neuf enfants... De plus la Jeunesse est plutôt un placard, une sorte de purgatoire ! Une juge qui venait de prendre un poste au Tribunal m'a dit un jour : " Monsieur Blondeel, moi, vous savez, les enfants, je n'en ai rien à  faire ! ". Elle est partie un mois plus tard dans une autre spécialité, mais entre temps, combien de jugements avait-elle rendu ? Elle avait fini son droit, elle avait été nommée, et puis plus rien. Pourtant les juges de la jeunesse devraient avoir des bases, une formation, suivre des stages... Ils doivent réaliser que, dans les conflits entre les parents, les enfants sont souvent les otages, et ils devraient faire plus attention. Le juge doit se mettre dans la peau de la personne qu'il doit juger. Lorsque j'étais président du Tribunal de la Jeunesse, je dirais qu'un tiers des juges avaient choisi d'être là . Le reste, non. "


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Article paru dans Filiatio #10 - mai / juin 2013,