Le terme fessée renvoie à un contact entre une main et un postérieur. Mais une fois cela dit, on n'a encore rien dit.


Lors d'une discussion à bâtons rompus sur la fessée en salle de rédaction, des opinions divergentes ont surgi quant à l'identité des fesseurs : les uns percevaient la fessée comme un geste typiquement masculin, signalant la persistance de tendances patriarcales dans la société contemporaine, les autres comme une sanction employée préférentiellement par les mères en charge d'enfants encore petits et turbulents. D'autres encore, évoquant des châtiments corporels reçus à l'école de la part d'instits des deux sexes, liaient le problème de la fessée à la question du pouvoir plutôt qu'à celle du genre. Nous avons donc interrogé la littérature scientifique, espérant y découvrir quel type d'adulte se trouve aujourd'hui au bout des bras ornés de mains fesseuses. Et nous y avons trouvé, disons, des bribes de réponses.

Qui fesse ? Des parents, principalement, et une minorité de grands-parents. Les enseignants européens n'en ont plus le droit (sauf en Angleterre). Ces parents fesseurs sont femelles et mâles, un peu plus de mâles selon les uns, un peu plus de femelles selon les autres. Christine Barras explique dans sa Sociologie de la fessée (2012) que " traditionnellement, l'homme détenait le pouvoir de frapper son enfant. La fessée était ritualisée, solennelle, terrifiante. Aujourd'hui, c'est surtout l'adulte qui s'occupe de l'enfant au quotidien qui est amené à punir. Autrement dit, c'est souvent la maman qui pose ce geste ". Et l'économiste Bernard Girard proposait ceci en 2002 : les parents de milieux économiquement défavorisés recourraient plus à la fessée, parce qu'il ne peuvent exploiter les sanctions dissuasives telles que la privation de sorties, de télé ou de jouets, déjà rares dans leur foyer.

Selon un sondage effectué en ligne par l'Union des Familles en Europe (UFE) en 2006-2007, 77% des parents admettaient alors qu'il y a une part de défoulement dans le fait d'infliger une fessée. C'étaient les mères au foyer qui exprimaient la culpabilité la plus prononcée à ce sujet. Plus inattendu : près la moitié des enfants vivant avec leur mère seule estimaient qu'elle se défoulait en fessant, tandis qu'un quart seulement des enfants de pères seuls évoquaient ce défoulement. Un tel constat fait fuser les questions : les mères sont-elles plus enclines à s'excuser ou à verbaliser la " vertu " défoulante de la fessée ? les pères recourent-ils plus souvent à des fessées rationnelles qu'à des fessées incontrôlées ? les enfants sont-ils d'une manière générale plus critiques envers leur mère qu'envers leur père ? etc...

Quant aux autres différences entre hommes et femmes révélées par ce sondage UFE : d'une manière générale, les (grands-)pères défendent plus la fessée que les (grands-)mères, se disent moins souvent opposés à toute forme d'atteinte physique de leurs (petits-) enfants par quiconque, et acceptent moins bien l'idée d'une interdiction légale de ce geste. Et les enfants de pères seuls subissent plus de moqueries et d'humiliations que les enfants de parents en couple ou de mères seules... mais sont pourtant les plus satisfaits de l'éducation qu'ils reçoivent ! Preuve, s'il en fallait, que le ressenti après sanction/fessée mérite d'être interrogé au moins autant que le geste lui-même.


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Dossier paru dans Filiatio #13 / mars - avril 2014