De nombreuses études scientifiques cherchent à  établir des liens de causalité entre des sanctions reçues dans l'enfance et des problèmes de santé physique et psychologique à  l'âge adulte. On apprend ainsi par une étude britannique de 2012 que " les coups et les insultes reçus dans l'enfance accroissent les risques de cancer, de troubles cardiaques et d'asthme à  l'âge adulte ", et la responsable d'un laboratoire de génétique comportementale signale que " les personnes qui ont subi des traumatismes dans leur enfance ne souffrent pas seulement du point de vue psychologique. Leur cerveau est véritablement altéré ". Une lecture attentive de travaux de ce type montre cependant que les raccourcis que certains en tirent doivent être considérés avec la plus grande prudence : bien souvent, ce type d'étude porte sur " les châtiments corporels " en général, sans faire de distinction entre une tape sur des fesses habillées de jeans et une raclée administrée avec les poings. Employer ce type de recherche pour conclure que " la fessée " (entendue comme main portée une seule fois sur les fesses habillées) engendre des traumatismes graves est donc une véritable supercherie scientifique ou médiatique, dont certains lobbys anti-fessée ne se privent pas.

Pas de stress

Plus intéressant encore : pour bien des chercheurs, c'est le stress engendré par les sanctions corporelles qui mènerait à  des fragilités physiques et psychologiques. C'est un bon argument pour interdire toute atteinte physique des enfants... mais ne faudrait-il pas alors légiférer dans la foulée sur toutes les autres causes de stress qui pourrissent la vie des familles d'aujourd'hui ? Et interdire, par exemple, les engueulades tonitruantes, les déplacements en voiture, bus ou train aux heures de pointe, les bureaux et les cours de récréation mal insonorisés, les images criardes, les musiques aux tempos effrénés, les disputes conjugales et le divorce, les déménagements, le chômage, les injonctions contradictoires aux apprentis parents... ou tout simplement l'obligation d'arriver " à  l'heure " à  l'école, qui provoque un stress intense, prolongé et quotidien dans la plupart des foyers modernes !

On ne peut évidemment que souhaiter aller vers un monde sans fessée. Si l'interdire définitivement n'est pas aisé, l'autoriser explicitement serait tout simplement ridicule. Vous imaginez le texte de loi ? " Les coups portés sur les fesses sont autorisés à  condition d'être donnés: 1. à  des enfants âgés de 4 à  11 ans, 2. habillés, 3. pas plus d'une fois d'affilée, 4. le geste jaillissant spontanément dans un contexte de danger ou de provocation avérée de l'enfant en période d'épuisement nerveux du parent (merci de fournir une photo du regard provocant, ou à  défaut une déclaration de l'enfant admettant le désir de provocation, et un certificat médical attestant l'épuisement). Une confession immédiate auprès d'un proche, d'un prêtre ou sur un forum public pourra valoir comme circonstance atténuante. Les délations entre parents divorcés, séparés ou en instance de divorce ne seront pas prises en compte ".

Mais que les plus inquiets se rassurent : il semblerait que la fessée soit déjà , pour bien des parents, l'unique sanction physique encore employée dans un cadre éducatif. " Le passage par des châtiments corporels, bien plus doux aujourd'hui, relève bien d'une fessée considérée comme un dernier recours et non comme un instrument éducatif essentiel " explique en effet le sociologue Julien Damon. Si ce geste est effectivement une limite au-delà  de laquelle une majorité de parents ne s'aventure déjà  plus, il y a fort à  parier que le petit effort nécessaire à  son déplacement en amont (arrêter l'escalade juste avant la fessée, plutôt que juste après) leur apparaîtra prochainement souhaitable et, en fait, peu coûteux.


DISPOSITIONS LÉGALES CONTRE LES SÉVICES CORPORELS MINEURS

En Belgique

Deux lois ont été promulguées successivement contre les châtiments corporels mais l'Observatoire de la violence éducative ordinaire émet des doutes quant aux mesures permettant leur application.

En Europe

Des mesures contre les châtiments corporels mineurs commis sur les enfants ont été adoptées en Finlande (1983), Autriche (1989), Chypre (1994), Danemark (1997), Lettonie (1998), Bulgarie (2000), Allemagne (2000), Roumanie (2004), Hongrie (2005), Grèce (2006), Pays-Bas (2007), Portugal (2007), Pologne (2010).

Hors Europe

Seuls le Venezuela et le Costa-Rica ont interdit les sévices corporels mineurs sur les enfants, respectivement en 2007 et 2008. Le Chili, qui avait annoncé une loi en 2007, a finalement renoncé à  la promulguer. Sur d'autres continents, des pays ont pris la décision isolée d'interdire la fessée, comme Israà«l en 2000 et la Tunisie et le Kenya en 2010.


Lisez la suite du dossier Pleins feux sur la fessée

Dossier paru dans Filiatio #13 / mars - avril 2014