" Même si nos enfants n'habitent chez-nous qu'une semaine sur deux, on reste émotionnellement parents tout le temps ! ", insiste Gaà«lle, une maman. Pour elle, il devrait exister dans les écoles une antenne ayant pour fonction principale d'informer ou renseigner le parent dont ce n'est pas la semaine d'hébergement sur toutes les questions qui concernent son enfant. Plutôt que de s'entendre répondre, lorsqu'on a la malencontreuse idée de téléphoner à l'école en dehors de sa période de garde, que tout ce qui est en rapport avec son rejeton a déjà été communiqué à l'autre parent... " Le contact avec le personnel de l'école nous laisse parfois le sentiment de faire de l'ingérence dans la vie de l'autre alors que nous n'avons personne d'autre à qui nous adresser pour assurer au jour le jour le suivi d'un enfant dont nous ne sommes concrètement parent qu'une semaine sur deux ", ajoute-t-elle.
En réalité, l'école sature face aux demandes toujours plus complexes des parents. Cette saturation amplifie leur inquiétude.
Que faire ? Comment l'institution entend-elle réagir ?
Historique
" La complexité des rapports entre l'école et les parents s'est intensifiée dès l'entrée des années deux mille ,quand le nombre de divorces et de séparations a explosé. Il a fallu s'adapter. Enfin, pour être honnête, au début, nous avons surtout misé sur les facultés de rebond des parents. Malheureusement, il a fallu vite prendre conscience que ces capacités sont généralement altérées par les conflits qui les opposent ou par le simple fait de se trouver dans une période relationnelle chahutée ". Ces propos d'une institutrice1 qui illustrent avant tout une absence de réponse institutionnelle aux modifications du rapport parents-écoles sont loin d'être uniques en leur genre.
Les réponses apportées
Bien entendu, pour remédier, contenir ou aplanir les différends familiaux qui ont une incidence sur la scolarité des enfants, il existe des permanences sporadiques du PMS au sein des écoles. Seulement, quelquefois, en période de crise parentale, les enseignants peuvent se sentir dépassés par ce que vivent quelques-uns de leurs élèves (d'autant qu'ils ont les autres à gérer) et la permanence du PMS ne coïncide pas nécessairement avec les moments de crise. Aussi, dans un monde idéal, de quoi pourrait-on rêver pour davantage accueillir les enfants de manière la plus exhaustive et inclusive possible ?
Marly (2à , d'un centre PMS, témoigne de la position délicate dans laquelle se retrouve souvent son service qui doit jouer le rôle de tampon entre des parents déboussolés qui ne trouvent pas dans l'infrastructure scolaire des réponses adéquates à leurs besoins (journaux de classe adaptés à la parentalité séparée, copies de bulletin, ...) et un désarroi institutionnel qui, même avec la meilleure volonté du monde, ne parvient pas à assumer les mutations familiales contemporaines.
Le tiers de bonne foi
À vrai dire, il existe un élément de législation scolaire qui prend en compte le contexte des parentalités séparées. Il s'agit du principe du tiers de bonne foi. C'est-à -dire que pour pouvoir inscrire un enfant dans son école en l'absence d'un des deux parents, un directeur d'école ne doit pas être au courant d'un désaccord entre eux. Dans le cas contraire, il a le devoir de refuser de réaliser l'inscription. Si ce principe ne couvre pas l'entièreté des prises de décisions parentales au sein de l'école, il marque bien la volonté institutionnelle de créer une infrastructure scolaire qui réponde aux besoins spécifiques des parentalités séparées. Seulement, dans la pratique, son incomplétude se fait cruellement ressentir.
Manu, un père en colère, témoigne : " Je déplore certaines pratiques de l'institution scolaire. Je n'ai jamais été particulièrement enchanté à l'idée que mes enfants fréquentent une école, (oui, c'est un autre débat), cependant, la manière inéquitable de considérer les deux parents, ça rend hargneux ! Pour ne citer qu'un exemple. Pas plus tard qu'il y a une semaine, la mère de mes enfants et moi avons été convoqués chez la directrice. Notre fils aîné était chargé de nous transmettre la convocation (est-il indiqué que l'enfant joue le rôle de l'émissaire ? ndlr). Malheureusement, il n'a pas osé m'en parler et n'en a touché mot à sa mère que très tard le dimanche soir. La réunion avait lieu le lundi matin à la première heure et les enfants étaient chez-elle le weekend. C'était donc son tour de les conduire à l'école. Je le regrette mais la situation n'étant pas au beau fixe entre nous, elle a omis de m'aviser de la réunion et s'y est rendue seule. Jusque-là , je peux comprendre. Par contre, ce qui est inacceptable, c'est que la réunion ait eu lieu malgré mon absence ! Inacceptable et incompréhensible. Je n'étais pas là et la directrice, plutôt que de s'en inquiéter, a embrayé comme si de rien n'était et s'est contenté d'un seul point de vue parental pour prendre des décisions concernant notre enfant commun... Autant dire que je suis furieux. Tant contre mon ex que contre l'établissement scolaire. Et tout ça parce qu'il n'existe pas une charte claire et précise définissant comment prendre en compte les parents séparés... Chaque école fait sa popote et on ne peut jamais savoir à quoi s'attendre ! "
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Paru dans Filiatio #29 - 3-4-5/2018